Néo-chamanisme, éco-chamanisme, chamanisme...Voilà trois termes qui, bien que contenant tous le mot "chamanisme", sont totalement différents. La plupart de nos pratiques occidentales sont généralement classées sous le terme de "néo-chamanisme". Le terme d'"écochamanisme", quant à lui, est issu du livre de James Endredy nommé justement "Ecoshamanism" : Trois pratiques, avec des vrais bouts de chamanisme dedans ? Rien n'est moins sûr. Des influences, peut-être, oui. Mais le chamanisme n'est-il pas censé être, depuis ses racines, en rapport avec la nature et ses esprits ? Il est "éco" depuis ses premières heures, pourquoi être obligé d'y rajouter tout d'un coup ce préfixe ?... Peut être parce que les moeurs et notre société moderne nous ont transformé. Je suis intimement persuadée, et ce depuis longtemps, que les pratiques chamaniques que nous exerçons ici en occident, dans nos villes et campagnes, n'ont rien à voir avec le Chamanisme avec un grand C. Nous pratiquons et croyons en une tradition inspirée du chamanisme, mais il serait difficile de nous prétendre réellement "chamanes" même après 40 ans de pratique et d'étude intensive, pour la simple et bonne raison que nous sommes dans un contexte différent. Le véritable rôle du chamane au sein de la communauté dans laquelle il évolue ne repose pas sur nos frêles épaules de praticiens solitaires. La communauté ne dépend pas de notre pouvoir ni de notre connection avec les Esprits. De plus, nous n'appartenons ni à la famille, ni à la tribu d'un chamane. Bien que certaines personnes aient pu bénéficier d'une formation très enrichissante auprès de chamanes, je pense notamment à Corinne Sombrun, rares sont les personnes qui, en occident, peuvent réellement se prétendre chamanes.
Endredy tente justement de faire la part des choses entre le chamanisme "classique" (Amazonie, Mongolie, etc etc), le "néochamanisme" le plus répandu chez nous et le concept d'"écochamanisme" qu'il introduit lui-même. Je n'ai pas souvenir d'avoir entendu ce terme ailleurs que dans son livre, j'en ai donc déduit que c'était un concept qu'il avait lui même développé. Si vous avez d'autres sources à ce sujet, merci de bien vouloir m'en faire part afin de compléter cet article. Quoi qu'il en soit, il est intéressant de faire la comparaison entre ce qu'est "réellement le chamanisme" et celui que nous pratiquons nous-mêmes. Compte tenu du point de vue d'Endredy développé ci-dessous, je pense que la pratique réelle que la plupart d'entre nous avons se situe à mi chemin entre sa définition du "néochamanisme" (un peu trop simplifiée à mon goût) et celle de l'"écochamanisme" (un peu trop encensée et mise en avant, ce qui semble normal puisque c'est le sujet de son livre...). Le néochamanisme semble à ses yeux avoir oublié un pan très important du rapport à la nature, que l'écochamanisme tente justement de restituer. Mais il n'est nullement question d'un côté de vivre au milieu d'une ville de béton et d'acier sans même savoir à quoi ressemble une feuille de chêne, et de l'autre de vivre tout nu dans la forêt à l'écoute des murmures de la nature... La réalité se situe entre les deux. C'est pourquoi je me suis permise, par moments, de partager mon avis entre parenthèses lors de ma traduction. Différences entre chamanisme, néo-chamanisme et écochamanisme Chamanisme classique : Toutes les fonctions et les pratiques du chamane se font dans le cadre de la culture spécifique de la tribu à laquelle il appartient. Néo chamanisme : Les pratiques sont basées sur un mélange de ressources tirées de différentes cultures ou sont même crées indépendamment de toute structure culturelle. Ecochamanisme : Les pratiques chamaniques et les fonctions de l’”écochamane” proviennent d’une profonde connection et d’une dévotion envers la terre sur laquelle on vit et s’adressent spécifiquement aux besoins et aux désirs de notre culture moderne. Bien que la fonction de chamane soit transmise d’une génération à une autre dans la même famille, un chamane est plus communément “choisi” par les esprits en recevant un fort “appel”. Cette personne n’a donc d’autre choix que de réaliser sa vocation. S’il offense les esprits ou s’il ne parvient pas à s’acquiter de son devoir, il est fréquent que lui ou quelqu’un de sa famille devienne gravement malade, voire meure. Généralement, une personne est intéressée par le chamanisme pour de nombreuses raisons personnelles et décide de son propre gré d’approfondir ce domaine. Bien qu’elle puisse ressentir un “appel” envers les arts chamaniques, elle est la plupart du temps libre d’abandonner cette voie à tout moment sans aucun risque pour sa santé ou sa sécurité. Alors que de plus en plus de gens se reconnectent à la terre, de plus en plus également sont appelés par les esprits de la nature à la servir et se voient confiés des tâches. Lorsque ceci arrive, le choix d’intégrer la vision écochamanique du monde a déjà été fait. Il est possible d’ignorer ces appels pendant un certain temps mais celui-ci les rattrapera toujours et les ramènera à leur tâche à accomplir. Une fois que les esprits ont choisi quelqu’un pour devenir chaman, l’étape suivante est presque toujours de passer à travers une intense initiation qui peut aller jusqu’à mettre sa vie en danger ou une expérience de mort imminente qui va définitivement changer la perception du chamane potentiel. Les cérémonies d’initiations, intenses et dangereuses, sont généralement inexistantes. Les changements de perception surviennent progressivement et tiennent davantage de l’évolution personnelle que du changement brutal et peuvent s’accompagner de petits changements dans le mode de vie de la personne. Les initiations et rites de passages sont menés intentionnellement pour placer les pratiquants en contact direct avec les pouvoirs de la nature. Cette rencontre repousse à tel point les limites du praticien que sa vision, son point de vue et les tâches qui lui sont confiées modifient considérablement sa vie. Si le chamane potentiel survit à la période d’initiation, devenir chamane devient sa vocation à plein temps pour le reste de sa vie. Le temps passé à étudier et à pratiquer le chamanisme est uniquement décidé par la personne elle-même. Cela peut aller du travail à plein temps ou de l’occupation de temps libre. Le temps passé à apprendre et à mettre en pratique les techniques d’écochamanisme sont directement proportionnelles au temps passé au coeur de la nature. Une personne se voyant confier une tâche ou un message de la part de la nature va spontanément l’intégrer à sa vie quotidienne. Le défi de rester fidèle à cette vocation est une tâche qui dure la vie entière. Bien qu’un chamane novice soit généralement guidé soit par un chaman plus expérimenté soit par la communauté qu’il va servir, les leçons réelles, les compétences et les pouvoirs du chaman lui seront directement enseignés par la rencontre avec le monde des esprits après qu’il ait passé avec brio la période d’initiation ou l’expérience de mort imminente. L’apprentissage des techniques chamaniques se fait par le biais d’ateliers, de séminaires et de lectures. Bien que l’interaction avec le monde des esprits puisse également se mettre en place, cela reste généralement à un niveau très superficiel car la majorité des praticiens n’ont pas “ouvert” la porte de leurs perceptions au travers d’une expérience de mort imminente et/ou n’ont pas reçu d’appel direct de la part des esprits, les enjoignant de devenir chamanes. Les étapes initiales de la pratique écochamanique sont apprise au travers de l’accomplissement de tâches spécifiques en rapport avec la connexion entretenue avec les pouvoirs de la nature et la modification du style de vie qui en résulte, au contraire d’un point de vue holistique. La réalisation de ces tâches est purement personnel mais peut être encouragé par la participation à des groupes de travail écochamaniques pour accomplir en toute sécurité des rites de passage spécifiques tout autant que d’apprendre auprès d’écochamanes expérimentés ou de chamanes indigènes. Une relation avec les esprits est entretenue au travers d’offrandes personnelles et, à certains moments, de sacrifices de sang en l’honneur des esprits. L’importance des offrandes peut varier selon la situation et l’issue espérée. Il n’est pas rare qu’une offrande très importante représente le fruit de toute une année de travail. Ce haut niveau d’engagement est ce qui donne du pouvoir à l’offrande et au chamane. Les offrandes et les sacrifices sont fondamentalement inexistantes. L’aide des esprits est souvent requis, mais très peu leur est offert en retour. (ndlt : A propos de ce point, j’avoue ne pas être vraiment d’accord avec James Endredy. Bien que ce qu’il évoque ici soit certainement le cas de certaines personnes qui, à mes yeux, n’ont pas compris ce qu’est réellement le “chamanisme”, la pratique néo-chamanique se base selon moi sur des notions d’harmonie et d’échange et je ne crois pas qu’il soit aussi rare que cela que des offrandes fassent partie des pratiques courantes. La question des sacrifices, elle, est toute autre, et est certainement en effet très peu répandue, mais je ne suis pas d’accord en ce qui concerne les offrandes.) L’écochamanisme rejoint, sur ce point, le chamanisme classique. Le chamane altère sa perception de manière assez radicale et fréquente par de nombreux moyens, dont certains peuvent inclure l’ingestion de plantes hallucinogènes, des cérémonies s’étendant sur plusieurs jours et nuit, le jeûne, de nombreuses heures de danse continue, une exposition prolongée aux éléments, la privation de sommeil, des sacrifices animaux rituels, la mortification corporelle et bien d’autres choses encore. La technique la plus courante pour altérer sa perception est l’utilisation répétée de tambours, ou l’écoute d’enregistrements de tambours. Cela est souvent accompagné de techniques de visualisation/méditation guidée et est le plus souvent pratiqué dans une pièce dans laquelle la température est contrôlée. Les perceptions et la conscience de l’individu sont radicalement altérés par la réception de visions, de messages et de tâches ordonnées par le monde naturel. Les écochamanes chevronnés s’exposent de manière prolongée aux pouvoirs de la nature afin que celle-ci guide leur vie, les aident et soignent autrui, et guide leur communauté vers un équilibre entre la nature et eux. Les accords sont généralement passés entre les esprits de la nature locaux et les animaux sauvages au travers du chamane. Si ces accords ne sont pas respectés, le chamane peut devenir gravement malade ou être le réceptacle de tragédies physiques ou d’”accidents” tels que tomber d’une falaise ou tomber de cheval. Les praticiens du néochamanisme sont généralement des habitants des villes et n’ont par conséquent que peu ou pas de contact avec les esprits de la nature et la faune sauvage. Au fur et à mesure que l’écochamane gagne en expérience, les offrandes et accords passés avec les pouvoirs de la nature sont de plus en plus puissants, de même que leurs conséquences si on ne les respecte pas. Depuis que les tribus sont totalement ou partiellement dépendantes des cultures et/ou des animaux domestiques pour survivre, le chaman est en relation constante avec les esprits qui assureront leur vie, leur croissance et leur bonne santé. Des cérémonies, des rituels et des offrandes sont effectuées à des moments clés de l’année, en accord avec le cycle naturel et le cosmos, afin d’assurer la subsistance annuelle de la tribu. Les néochamanes ont affaire à l’argent afin de vivre dans notre société moderne. Les rituels, cérémonies et offrandes en rapport avec les semis, les récoltes ou l’élevage et l’abattage des animaux qui apportent une bonne partie des ressources, sont inexistants ou très rares. (ndlt : Là encore je ne suis pas forcément d’accord, mais tout dépend dans quelle optique on se place. Notre “néo-chamanisme” est souvent empreint d’autres cultures et traditions. Ainsi beaucoup de gens, moi y compris, y mèlent des notions de paganisme traditionnel, voir de wicca. Les célébrations de la roue de l’année, des équinoxes et des Sabbats, contribuent au respect du cycle des saisons et des semis/récoltes. Même s’il est vrai qu’en ville, l’élevage de bétail n’est pas très répandu, l’intérêt porté à la culture des herbes, fruits et légumes, bien que moins présente qu’à la campagne, reste tout de même une réalité selon moi). Les cérémonies, les rituels et les offrandes sont faits aux moments les plus propices de l’année et sont relatifs à la subsistance de la communauté et/ou la restauration de l’équilibre entre ladite communauté et la nature. Sources :
Extrait de "Ecoshamanism" par James Endredy aux editions Llewellyn Traduction et adaptation par Yuna Minhaï Pour approfondir :
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